Passagers de l’archipel

17 mars 2011 at 9 h 31 mi 7 commentaires

Anne-Catherine Blanc

L’éditeur : Les continents ne sont pas fixes, ils dérivent. Les continentaux sont des migrants qui s’ignorent, des passagers soumis à ce mouvement infime comme à l’écoulement insensible du temps. Des passagers en rupture de barre, en rupture  d’avenir, incapables d’empoigner le gouvernail pour métamorphoser en destin leur errance  misérable.
Les îles aussi dérivent avec leur équipage. Plus vite, plus loin, dans l’urgence et le péril, aspirées par le sillage néfaste des continents. Quand leur microcosme s’ouvre à l’envahisseur, les organismes, les âmes résistent mal au souffle de ses miasmes, au viol de ses rêves frelatés. Des passagers disparaissent, asphyxiés sous les clichés dont on les affuble. Quelques-uns se rebellent. D’autres s’adaptent.
Mais tous ont à dire, à faire. Comme les continentaux, les îliens vocifèrent, chuchotent, rient, ou bien se taisent et agissent. Comme eux ils influencent, du geste et de la voix, la course aléatoire de notre nef des fous.

Une écriture magnifique avec l’art de planter le décor et de créer des personnages qui nous harponnent dès les premières lignes ! Ce recueil  nous entraîne dans le Pacifique, Tahiti, les atolls, îles désertes et alizés. Mais derrière la carte postale paradisiaque, des drames et des farces ; un  théâtre somptueux et sauvage  qui façonne les acteurs ou transforment les figurants qui ne font que passer. Une  écriture, poétique, précise, irisée,  pour dire la couleur de l’eau, du sable, la force du vent, la cruauté, la lenteur, le pourrissement, la beauté d’un corps, la violence de la mer et celle des sentiments . Chaque nouvelle est un petit monde clos, rond comme un atoll bleuté dans lequel on se plonge avec délice.

J’ai aimé l’histoire du veux chinois qui, à longueur de journée,  exerce sa calligraphie  sur de vieux annuaires des postes, alors que son voisin tatoueur inscrit sur les corps des signes mystérieux ; ils laissent tous deux des traces parfaites en harmonie avec ce qui les entoure…encore des traces, celles de Raerae, l’homme-femme qui pour se laver d’un viol roule sur le sable blanc pour y laisser l’empreinte  de son existence, de sa différence, de sa pureté retrouvée.

Et puis, il y a  Poerava,  pauvre Poerava…une destin marqué par le malheur  qui finit par une fusion..une perle noire qui retourne à la mer; fascination pour le bleu infini, pour tout ce qui vient de la mer originelle, un monde de beauté sali par des hommes bas et cruels. Comment  un tel environnement peut-il donner de tels monstres ?

L’aventure de Colette aussi, fille de France, rêveuse, qui à la suite d’un concours, découvrira ce pays au-delà de la vision idyllique ; un pays où les gens peuvent être simplement naturels, généreux, lents, prennent la vie comme elle est avec douceur et  violence… comme leur pays qu’il faut prendre comme il est, loin des images et des illusions qu’il peut donner. C’est comme ça qu’elle va l’aimer !

D’autres nouvelles drôles et ironiques,  pour dénoncer les plaies de l’île, ses travers, mais en riant ! pas grave, la nature est si belle, l’homme n’y est que de passage, vivant parmi les autres créatures qui étaient là avant lui et seront là après  ……..« le temps s’immobilise aux Marquises « comme le chantait Brel

« Poerava était née sur l’atoll et ne l’avait jamais quitté. Très loin, dans le gouffre du temps, un grondement avait ébranlé les abysses. expulsé par les contractions sourdes de la terre, un flot de lave ardente avait jailli vers la surface. Le volcan s’était solidifié en coulées de basalte obscur. Nés de la vague, ténus d’abord, puis exubérants et indociles, le végétal et l’animal étaient apparus sur ses flancs. Le récif de corail avait déployé autour de l’île haute son anneau vermiculé, foisonnant, d’une persévérance têtue de pierre vive, isolant et protégeant peu à peu le microcosme du lagon. Enfin la montagne avait cédé à la patience absolue des siècles. De l’île haute, il ne restait rien. (…..) seul demeurait l’atoll, auréole de sable et d’infimes débris coralliens, alliance de métal chauffée à blanc sur le bleu douloureux de l’immensité océane. »

Il faut découvrir ces passagers et embarquer avec eux sur ces frêles esquifs que sont ces îlots perdus au milieu de l’océan…ça donne bien envie d’aller la bas !


merci à BOB et à Ramsay pour cette jolie découverte !

Entry filed under: coup de coeur, nouvelles, voyage. Tags: .

Green, green, green ! Pause neigeuse

7 commentaires Add your own

  • 1. BenoitD  |  17 mars 2011 à 9 h 55 mi

    Bonjour,
    je l’ai aussi reçu via BOB et dès les premières pages, on est envouté par une qualité d’écriture qu’on ne retrouve plus dans les best-sellers actuels.
    Bravo pour ton blog et à bientôt,
    BenoitD

    Réponse
    • 2. saraswati  |  17 mars 2011 à 10 h 27 mi

      bienvenue ! et merci 🙂 envoûtant est tout à fait le mot approprié pour ce livre à découvrir absolument !!

      Réponse
  • 3. Yv  |  18 mars 2011 à 15 h 15 mi

    Lu moi aussi et j’ai subi le même envoûtement pour l’écriture, que j’avais déjà subi pour les deux livres précédents de A-C Blanc, L’astronome aveugle et Moana Blues. Je reprends « envoûtement » et le répète volontiers.

    Réponse
    • 4. saraswati  |  27 mars 2011 à 13 h 05 mi

      moi aussi j’adore qu’on m’envoûte de cette façon ;))) pour rester sous le charme, je note les autres titres !

      Réponse
  • 5. Anne-Catherine Blanc  |  23 mars 2011 à 14 h 32 mi

    Bonjour,
    Tout d’abord, merci de votre critique pour mes « Passagers ». Ce livre a mis 8 ans à sortir du tiroir et je finissais par ne plus y croire. Savoir qu’il peut trouver un lectorat me donne l’envie de continuer à me battre contre les difficultés à convaincre des éditeurs.
    Autre chose. Il est présélectionné pour le prix Orange. Il ne l’aura pas, bien sûr, trop de « pointures » en compétition avec, derrière, des maisons d’édition en forme de rouleaux compresseurs. Mais pour l’attachée de presse de Ramsay, l’essentiel est de faire du buzz. Alors, puisque vous l’avez aimé, peut-être accepterez-vous de laisser un commentaire sur le site du prix Orange et de diffuser cette info à d’autres lecteurs. Après tout, c’est lça, e principe du buzz !
    Voilà, encore merci pour votre critique qui me va droit au coeur,
    A-C B

    Réponse
    • 6. saraswati  |  27 mars 2011 à 13 h 02 mi

      bienvenue ici 🙂 j’espère que votre livre aura un bel avenir….buzzzzzzzzzons donc pour y contribuer !!!! ces passagers m’ont donné egalement l’envie de découvrir vos autres livres 🙂 ….alors à bientôt entre les pages!

      Réponse
  • 7. Anne-Catherine Blanc  |  27 mars 2011 à 13 h 53 mi

    Merci de ta réponse. Pour le prix Orange, je pense qu’il faut laisser un commentaire assez vite (un simple copié-collé suffit)vu que la sélection se fait début avril.
    Quant aux autres livres, il y a un nouveau manuscrit qui cherche un éditeur (pas très adapté aux collections de Ramsay, je pense…) et un autre en chantier. Si je compte sur la critique « officielle » je ferai mieux d’aller cultiver des rutabagas, mais le soutien des lecteurs tient chaud et il commence à compter : pour un auteur déjà publié, certains directeurs littéraires font paraît-il le tour des blogs pour se donner une idée…
    En tout cas je tiendrai tout le monde au courant.
    Bonne fin de week-end et à bientôt,
    A-C

    Réponse

Laisser un commentaire

Trackback this post  |  Subscribe to the comments via RSS Feed


Saraswati a dit

Welcome to the Magicbus !

Je participe :

SWAP :

Visiteurs :

Pour me contacter :